Les relations humaines, c'est de la permaculture
Depuis quelque temps, et si vous faites un peu de jardin, il y a un mot qui circule dans toutes les bouches : Permaculture ! Un mot qui n’est pas si récent et qui surtout va bien au-delà du jardinage, parce qu’il parle de la terre et donc de nous !
PRENDRE SOIN DE LA TERRE
Oui, quoique nous fassions et que vous le vouliez ou non, nous sommes connectés à la terre. Nous venons d’elle, c’est notre habitat, c’est celle qui nous nourrit. Pourtant, nous sommes méfiants vis-à-vis d’elle, elle nous fait peur. La peur des bêtes sauvages, la peur d’être empoisonné, la peur de ne pas survivre tout simplement. Alors pour se protéger, l’homme s’est lancé dans l’aventure de dompter l’indomptable : La nature. Et c’est comme ça que l’on se retrouve avec l’objet le plus rigoriste de la maîtrise de la nature : Le jardin à la française ! Allées structurées, terrasses pensées en perspective, jardin qui ne bouge pas selon les saisons. Un jardin qui n’existe que par la force et le travail acharné, voir épuisant de la main humaine. Mais dans les années 70, le monde est bouleversé par un mode de pensée à contre-courant. Un retour à la nature. Et c’est dans les années 70 deux Australiens, Bill Mollison, biologiste et biogéographe et David Holmgren, militant écologiste, conceptualisent le terme de Permaculture, une contraction des mots permanent et agriculture. Mais qu’est-ce que la Permaculture ? C’est un ensemble de concepts, qui nous amène à regarder, à créer et à produire différemment, pour une agriculture plus naturelle, plus saine et plus juste. Les trois piliers éthiques de la permaculture sont : Prendre soin de la terre , prendre soin des humains, créer l’abondance et redistribuer le surplus. Appliqués au jardin, les principes de design de conception de la permaculture développent les connexions entre les plantes, l’environnement et les humains. Les douze principes de la permaculture définis par Holmgren sont les suivants :
1. Collecter et stocker l’énergie
2. Créer une production
3. S’autoréguler et accepter les rétroactions
4. Utiliser et valoriser les ressources et les services renouvelables
5. Ne pas produire de déchets
6. Partir du design général pour en venir aux détails
7. Intégrer plutôt que séparer
8. Utiliser des solutions lentes et à petite échelle
9. Utiliser et valoriser la diversité
10. Utiliser les interfaces et valoriser les éléments en bordure
11. Faire preuve de créativité et réagir au changement
À ces concepts, on peut mettre en parallèle, dans les mêmes années la théorisation de l’agriculture naturelle par Masanobu Fukuoka. Inspiré des cultures zen, taoïste, shinto et bouddhiste, l’agriculture naturelle prône une intervention minimale de la main humaine. L’humain est alors presque spectateur de la nature, il accompagne.
Dans la permaculture, en revanche, même si les principes découlent de concept philosophique, l’homme est un organisateur de la nature. Par l’observation des atouts de chaque plante, de chaque sol et de chaque environnement, il tire le meilleur.
Mais vous me direz, pourquoi donc parler de jardins, d’agriculture alors que l’on veut parler des humains ? Regardez, observez ! Dans le jardin idéal de la permaculture, les mauvaises herbes n’existent plus, il n’y a pas d’arbres trop grands, de sol trop secs, ni de gens qui n’ont pas la main verte. C’est par l’étude des plantes, de leur qualité et de leurs défauts, que l’on peut créer des connexions et qu’elles vont ainsi s’aider les unes aux autres, pour se développer harmonieusement. Cela ne fait-il pas résonnance en vous ? Car oui, la permaculture est bien plus qu’un système applicable au jardin, c’est un système de pensée philosophique. Il peut donc s’appliquer à n’importe quelle structure. Si l’on observe, les autres, si on les écoute, si chacun titre le meilleur parti de lui-même, alors les bénéfices pour chacun seront décuplés.
PRENDRE SOIN DES HUMAINS
Aujourd’hui, nombre sont ceux qui réfutent le système scolaire français. Trop global, qui ne prend pas en compte chaque individu, qui ne permet pas le développement de la pensée et de la créativité. On pourrait d’ailleurs dire de même des entreprises à grande échelle, perte de l’individualité, manque d’écoute des besoin et des envies de chacun, hiérarchie beaucoup trop imposante et autoritaire. Souvent, pour trouver sa place dans la société, et ce, dès l’adolescence, l’individu s’oriente selon plusieurs choix : l’envie, les capacités (dans quoi je suis bon), les capacités financières (ce que je peux me payer comme études), la finalité (ce que je serais), la temporalité (dans combien de temps) et il n’en choisit qu’un, créant de la frustration, des doutes, un mal-être.
Dans la permaculture humaine, c’est l’humain qui est au centre du processus, il est le facteur de la réussite des projets. C’est la graine du jardin. Mais pour que la graine soit efficace, il faut qu’elle soit en bonne santé. Et pour être en bonne sante, la graine humaine doit se connaître, savoir qui elle est. Il faut qu’elle trouve son Ikigai. Mais qu’est-ce que l’Ikigai ? Il faut remonter au 14eme siècle au Japon pour voir apparaître L’ikigai. Ne vous avais-je pas dis que la permaculture découlait de plusieurs concepts philosophiques ? Ainsi « iki » signifie vivre et gaï : raison. Il faut trouver sa raison de vivre pour être heureux. Pour trouver son Ikigai, il faut trouver le dénominateur commun à la réponse de quatre questions : Qu’est-ce que j’aime faire ? En quoi suis-je bon ou doué ? Pourquoi pourrais-je être payé ? De quoi le monde a-t-il besoin ?
Ainsi, la permaculture nous invite à nous connaître nous-mêmes, à prendre confiance en nous. Par l’identification de mes besoins, de mes envies et de ce que je suis capable de faire, je vais pouvoir me connecter à l’autre. Et c’est là que nous pouvons faire le parallèle avec la Permaculture. Savez-vous qu’à côté de chaque ortie, se trouve le plantain ? Et pourquoi le plantain se trouve à côté de l’ortie ? Parce que lorsque vous êtes piqué par l’ortie, il vous suffit de couper une feuille de plantain et de la frotter sur la piqûre pour faire disparaître la sensation de brûlure. Tout comme l’humain à besoin de l’autre pour avancer. La permaculture aide à améliorer et à nourrir notre relation à l’autre. Et c’est par l’addition des capacités de chacun que le projet peut-être plus beau, plus grand, plus riche.
CRÉER L’ABONDANCE ET REDISTRIBUER LE SURPLUS
Outre la relation à la nature, la permaculture humaine nous parle de relation à l’autre. Et de même que l’on va cultiver son jardin selon des principes de compartimentages et de liens entre les plantes, la permaculture humaine amène à la création de communauté, ou de projet collectif. Ainsi la permaculture humaine peut tout aussi bien être appliqué en milieu scolaire, que dans le milieu de l’entreprise. Si chacun exerce ses talents, avec ses envies, avec son histoire : “la petite terre rapportera beaucoup”. Si l’on résume donc, la permaculture humaine amène à plus de communication, se connaître soi et connaître l’autre, à se fédérer les uns les autres. Quels en sont les bienfaits ? Des relations saines, de la bienveillance et du développement de soi vont diminuer les tensions, le stress et les conflits. Si l’on applique ces concepts à celui de l’entreprise, celui qui y travaille est écouté, il est plus heureux, il amène de nouvelles idées, est plus productif et participe au développement de la société. Il crée donc de l’abondance et le redistribue le surplus en cercle vertueux.
Alors que nous allons vers une catastrophe écologique et humaine, ne serait-il pas temps de mettre la permaculture au centre de notre humanité ?
Candide, chapitre 30 (XXX), excipit, « il faut cultiver son jardin » Voltaire, 1759
« Toute la petite société entra dans ce louable dessein ; chacun se mit à exercer ses talents. La petite terre rapporta beaucoup. Cunégonde était à la vérité bien laide ; mais elle devint une excellente pâtissière ; Paquette broda ; la vieille eut soin du linge. Il n’y eut pas jusqu’à frère Giroflée qui ne rendît service ; il fut un très bon menuisier, et même devint honnête homme ; et Pangloss disait quelquefois à Candide : « Tous les événements sont enchaînés dans le meilleur des mondes possibles ; car enfin, si vous n’aviez pas été chassé d’un beau château à grands coups de pied dans le derrière pour l’amour de Mlle Cunégonde, si vous n’aviez pas été mis à l’Inquisition, si vous n’aviez pas couru l’Amérique à pied, si vous n’aviez pas donné un bon coup d’épée au baron, si vous n’aviez pas perdu tous vos moutons du bon pays d’Eldorado, vous ne mangeriez pas ici des cédrats confits et des pistaches.
– Cela est bien dit, répondit Candide, mais il faut cultiver notre jardin. »
Pour aller plus loin :
Introduction à la permaculture, de Bill Mollison
La revolution d’un seul brin de paille, de Masanobu Fukuoka
Permaculture humaine – des cles pour vivre la transition, de Bernard Alonso et Cécile Guiochon